Textes

 
 

Johann Sebastian Bach

Suites anglaises

Les Suites anglaises n’ont que peu d’anglais, et le peu qu’elles ont vient d’une équivoque. Il semble avéré que Bach ait eu en sa possession un exemplaire des Suites pour clavecin de Charles Dieupart, musicien français basé à Londres, assez connu à son époque. Bach aurait repris la structure des suites de Dieupart, ordonnées systématiquement en groupes de danses à la française, précédés d’une ouverture, et aurait remplacé l’ouverture par des préludes de style concertant italien. La musique est donc plutôt d’inspiration italienne et française et l’adjectif «anglais» ne serait motivé, à tort du reste, que par la provenance du compositeur de ces suites qui auraient servi de modèle à Bach. D’autres hypothèses circulent cependant sur le titre du recueil. La plus convaincante, bien que, là encore, nullement soutenue par des éléments concrets, évoque une dédicace à un noble anglais, probablement un mécène potentiel, que Bach aurait voulu séduire avec cette attention. Cette hypothèse est confortée par le titre qui apparaît en tête de la première suite, dans l’exemplaire copié par Johann Christian Bach, «fait pour les Anglois».
Outre l’exemplaire du fils, il nous en reste plusieurs autres, dont un de la main de Heinrich Nikolaus Gerber, disciple et ami du Cantor. Aucune édition ne fut imprimée du vivant de Bach, mais les copies manuscrites ne différant que dans de petits détails, l’interprète n’est pas confronté à des choix cruciaux en ce qui concerne le texte. Ce qui frappe immédiatement dans ce recueil, ce sont les dimensions grandioses de chaque suite et en particulier des préludes qui ouvrent chacune d’entre elles. A l’exception du premier, qui semble s’inspirer de la gigue de la première suite de Dieupart, les préludes sont construits comme des premiers mouvements de concerto, avec une alternance structurale solo/tutti, violon/orchestre. Il est intéressant de remarquer que dans les six suites, les proportions des préludes s’élargissent de plus en plus au fur et à mesure qu’on avance dans le recueil et prennent une ampleur presque étonnante dans la cinquième et, surtout, dans la sixième suite. Le prélude de la première suite dure à peine plus de deux minutes; celui de la dernière près de huit.
Dans ce recueil, nombreux sont les éléments qui donnent une cohérence et une unité remarquables et qui fonctionnent comme liens entre les pièces. Des renvois, des éléments structurels lient les suites entre elles et les morceaux qui les composent. Dans la première et la dernière des suites, les préludes sont en deux parties, avec une introduction rapide, en forme de toccata pour le premier; lente, en forme de fantaisie pour le sixième – cette dernière n’est pas sans rappeler, du reste, la Fantaisie en Ré mineur K.397 de Mozart. Pour les sarabandes des deuxième et troisième suites, assez proches dans les proportions et dans le ton, grand et rhétorique, Bach écrit lui-même les agréments que l’on doit jouer à la reprise des parties A et B.
Un autre élément qui donne une grande cohésion au recueil est son plan tonal. Les six suites sont construites sur un hexacorde descendant (la majeur, la mineur, sol mineur, fa majeur, mi mineur, ré mineur), retraçant la mélodie du choral Jesu meine Freude. L’architecture formelle est très homogène. La structure reste invariable d’une suite à l’autre : prélude, allemande, courante, sarabande, galanteries (menuets, gavottes, bourrées, passepieds, selon la suite) et gigue. De proportions semblables et régulières, elles se différencient essentiellement par la présence de doubles (dans la deuxième courante de la première suite, ou dans la sarabande de la sixième) et des agréments écrits par Bach lui-même (pour les sarabandes des deuxième et troisième suites). La seule danse à vraiment évoluer au sein du recueil est la gigue qui, en contrepoids du prélude, devient de plus en plus virtuose, au fur et à mesure qu’on avance dans le recueil, jusqu’à atteindre des sommets qu’on retrouve rarement à cette époque, dans la sixième, véritable «Trille du diable» clavecinistique. Les allemandes, très écrites, ressortent par leur poésie et leur lyrisme.
Des trois grands recueils de suites que Bach a écrits pour le clavier, les Suites anglaises sont très probablement les premières à avoir été composées, autour de 1720 à Köthen. Si dans ces pièces l’on peut admirer une construction architecturale de dimensions grandioses, un lyrisme qui s’affranchit des contraintes formelles ou encore la grâce tendre des galanteries, ce qui les rend incontestablement uniques ce sont la puissance, la grandeur et surtout la virtuosité sans frein, qui en font un recueil majeur de la littérature pour clavier.
 

Carl Philipp Emanuel Bach

Des nains sur les épaules des géants

C’est ainsi que Bernard De Chartres aimait rappeler à ses contemporains leur dette envers les anciens. “...Et cela, non point parce que notre vue serait puissante ou notre taille avantageuse, mais parce que nous sommes portés et exhaussés par la haute stature des géants. »
Fils du grand Johann Sebastian Bach, second d’une fratrie qui compte quatre protagonistes majeurs de la musique au XVIIIème siècle, Carl Philipp est un nain. Et son anomalie n’est pas physique, bien que ses portraits ne laissent pas de lui une image des plus flatteuses...
Son anomalie est temporelle, chronologique. Ayant vécu entre deux époques artistiques parfaitement achevées, le Baroque et le Classicisme, Carl Philipp sut admirablement tirer parti de cet étrange sort qui fut le sien, en donnant vie à un style unique, d’un raffinement et d’une sensibilité extrêmes, capable de traduire les tourments existentiels d’une société mourante.
Derrière lui le Baroque, dont son père est le dernier et le plus grand des apôtres ; devant lui, le Classicisme, dont son jeune frère, Johann Christian Bach, est l’ange annonciateur.
Clairement il doit tout à son père. En homme reconnaissant et courageux à la fois, il sait cependant s’affranchir de son autorité écrasante, sans la renier pour autant. Il forge une nouvelle esthétique, un nouvel ensemble de canons, dont les origines baroques sont évidentes, mais qui traduisent une pensée toute autre. Une pensée trouble, des propos nuancés, des élans et des chutes vertigineuses, une intimité, une solitude qui ne sont plus baroques et qui ne seront jamais classiques ; un raffinement extrême, un geste précieux ; une envie
d’absolu, d’inconnu ; un désir d’errer sans but, qui ne trouveront jamais leur place dans la nouvelle société naissante.
Le Baroque est une source tarie, une nouvelle ère voit le jour : le Classicisme a la fraîcheur des époques riches et insouciantes, d’un boum économique d’après guerre, que seule une jeune génération nʼayant pas vécu les tourments des fins de règne peut vivre pleinement. Carl Philipp est déjà trop vieux, il se retrouve pris au piège entre deux chapitres de lʼhistoire. Pour comprendre la portée de son œuvre, il faudra sauter une génération, car ce n’est pas le Classicisme, mais bien plutôt l’Empfindsamkeit - Style Sentimental, dont Carl Philipp est le représentant principal - qui pose les prémisses du Romantisme. Et si en littérature on n’a aucun mal à reconnaître cette filiation, en musique on hésite encore à voir en Carl Philipp le père spirituel de Beethoven et lʼannonciateur, de ce qui, quelque cinquante ans après sa mort, sera le grand Romantisme allemand.
 

Georg Friedrich Haendel

Créateur inépuisable, véritable fontaine de créativité, Handel incarne mieux que n'importe lequel de ses contemporains l'âme de son siècle. Ce Saxon natif de Halle, fils d'un chirurgien, arpente l'Europe entière sa vie durant, opérant une synthèse des cultures et des styles musicaux sans égale dans l'histoire de la musique. Compositeur prolifique, il laisse une trace ineffaçable dans l'esprit de ses contemporains et devient, au fil des siècles, le symbole même des genres musicaux où son génie s'exerce.
Si l'on peut s'extasier devant une Passion de Bach ou être électrisé et bouleversé par un opéra mozartien, l'on peut dire que Handel est l'opéra et que Handel est l'oratorio. Il est crucial de garder à l'esprit ces deux piliers de la production du grand maître de Halle, car ils l'accompagnent tout au long de sa longue vie et de ses voyages européens, et constituent la source d'inspiration pour toute sa musique.
Si l'on prend toujours Mozart comme l'exemple du compositeur qui rompt les chaînes du servage et annonce ainsi la saison romantique par sa vie indépendante et libre, Handel le précède dans ce choix. Il se démarque ainsi de ses contemporains Bach et Scarlatti, mais il n'annonce point pour autant la flopée de génies maudits qui mourront un siècle plus tard à peine trentenaires, emportés par les contingences d'une vie qui les a voulu punir d'une hybris démesurée.
On voit volontiers en Handel plutôt une sorte de Casanova allemand, un Da Ponte luthérien. En lui vivait l'esprit du XVIIIème siècle, en lui brûlait la flamme des Lumières, une soif du voyage, une faim d'expériences innombrables, un libertinage musical, une témérité artistique, qui l'ont mené à parcourir une grande partie de l'Europe et à vivre et travailler en de nombreuses villes, comme Hambourg, Florence, Rome, Dublin et Londres, en laissant dans chacune d'elles un souvenir que les siècles n'ont jamais effacé.
A Rome, le jeune protestant est accueilli par des cardinaux mélomanes avec les honneurs réservés à un jeune messie et gagne bientôt le surnom de Caro Sassone (le cher Saxon). A Londres, il devient l'apôtre d'une nouvelle histoire musicale, ce qu'a été Lully pour la musique française un siècle plus tôt. Et ce rôle, la postérité s'est chargée pour lui de l'exporter dans tout le monde anglo-saxon : il suffit seulement d'entrer dans une église du Kent un dimanche matin ou d'assister à un culte dans un temple quelconque du Nouveau Monde pour réaliser aisément la place que tient encore ce géant dans la vie quotidienne de celui qui ignore jusqu'à son existence.
Handel n'était pas seulement compositeur, mais comme tout musicien de l'époque savait jouer de plusieurs instruments, et il excellait dans l'orgue, le clavecin et le violon. Reste encore fameux son duel à coups de gammes, d'octaves, de tirades et autres virtuosités avec Domenico Scarlatti, dans lequel le saxon est déclaré gagnant à l'orgue sans céder sa place au clavecin, étant jugé à égalité avec l'italien. Ou encore lorsque, toujours à Rome, énervé en plein concert par l'incapacité de Corelli à réaliser sur le champ une de ses demandes, il lui arrache le violon des mains et se met à jouer à sa place. Autant d'anecdotes que de traits de caractère… un caractère digne et réservé, placide dans ses vieux jours, une force tranquille, mais qui a pu dans sa jeunesse s'enflammer de passion ou éclater d'une colère effroyable, et qui a toujours été teinté d'un humour fin et corrosif. Le génie de ce maître, on le disait plus haut, a pour points cardinaux l'opéra et l'oratorio, qui ne sont au fond que deux faces de la même médaille et que l'on peut parfois même confondre. La cantate et l'ode viennent compléter cette boussole qui permet au compositeur, où qu'il se trouve, de se positionner correctement par rapport à son être le plus intime. Même lorsqu'il écrit des concerti grossi ou des sonates pour violon, cet homme respire la vocalité et l'expression théâtrale. Il y a, à mon sens, la même différence entre Bach et lui qu'entre Wagner et Verdi. Les premiers intègrent la voix au tissu orchestral et l'on pourrait remplacer la soprano par un violon, le ténor par un cor anglais, sans trop souffrir du changement ; les seconds vibrent au son de la voix humaine. Les uns contraignent les voix à devenir des instruments de musique ; les autres font chanter les instruments comme des êtres humains.
Est-ce peut-être ce trait de caractère qui est en partie à l'origine de l'abyssale différence, que des générations de musicologues, de musiciens et de critiques se sont donnés la joie de mettre en évidence, qui existe entre la musique pour clavier de Bach et celle de Handel ? Mais, à ce moment-là, pourquoi ne pas confronter les opéras de Handel à ceux de Bach…?
Handel, tout virtuose qu'il était, n'a jamais donné d'autre place à sa musique pour clavier, à quelques exceptions près, que celle des cercles privés de ses amis, et des leçons de clavecin qu'il donnait aux filles du roi d'Angleterre. S'il a lui-même suivi la publication d'un seul volume de musique pour clavecin, celui de 1720 où sont contenues les Huit grandes suites, c'est vraisemblablement en réaction à l'apparition, l'année précédente, d'une publication piratée de pièces qu'il réservait à son usage personnel et qui ne devaient en aucun cas sortir du cercle intime de ses amis et protecteurs.
Sa musique pour le clavecin, la genèse des pièces, leur place dans la vie du compositeur et leur date de composition restent nimbées de mystère. De son vivant seuls trois volumes sont publiés et un seul d'entre eux reçoit l'autorisation de l'auteur. Aujourd'hui, il nous reste de lui, une petite vingtaine de suites, des lessons et autres pièces pour le clavecin. Ecrites à des époques différentes de sa vie, certaines lorsqu'il n'avait pas encore vingt ans et qu'il vivait encore en Allemagne, les autres à Londres autour de 1717, elles sont mêlées dans un corpus auquel Handel parvient à donner une cohérence et dont il sait tirer parti. Si ces oeuvres n'ont pas été créées avec le même soin que celui mis par Bach pour ses Variations Goldberg ou son Art de la fugue, elles ne leurs sont jamais inférieures quant à la fraîcheur, l'inventivité, l'expression et la sensibilité. Et le génie de Handel est capable de marier non seulement l'inspiration de deux époques très éloignées de sa vie, mais aussi des styles différents qu'il mélange et qui deviennent sous sa plume une seule et unique voix. Lorsqu'il publie les Huit grandes suites en 1720 il a déjà beaucoup voyagé et appris de tous les pays où il a séjourné : il est alors capable d'écrire une suite, où un Adagio d'inspiration italienne prend les couleurs de l'aube sur la Tamise, où une Courante à l'allure française est construite comme une solide cathédrale allemande.
Mais, quoi qu'il écrive, Handel chante et fait chanter le clavecin : dans les airs poignants et les adagios ornés à la Corelli, dans les danses à la française, dans les sévères fugues allemandes, dans les lessons purcelliennes où il sait faire revivre l'ineffable immédiateté anglaise.
La suite logique de ce talent particulier, et qu'il n'a pas pu lui-même empêcher, c'est que ses contemporains se sont mis à transcrire ses opéras pour le clavecin seul.
Ainsi, le cher et fidèle ami et élève William Babell écrit des transcriptions des airs les plus connus du maître avec un certain succès et non sans talent. Virtuose lui-même et fin connaisseur de la musique de celui qu'on appelle désormais George Frideric, sujet de sa majesté le roi d'Angleterre, il sait transformer les longues lignes vocales des airs handeliens en palpitations digitales sans qu'on ne perde le caractère fondamentalement lyrique de cette musique, dans les arias les plus lentes et expressives comme dans les plus endiablées et virtuoses.
Dans le cycle de fresques monumental qu'est l'oeuvre de Handel, où l'histoire du monde depuis ses origines est peinte à grands traits, ses suites pour clavecin sont comme un livre d'heures, l'oeuvre minutieuse et raffinée d'un enlumineur. Le prophète s'est fait artisan pour un jour.
Ainsi, si vous êtes habitués à contempler ses oeuvres de loin, afin de les voir dans leur totalité, sans être trompés par les réflexes miroitants d'une couleur ou par les couches épaisses de peinture, ici il faudra vous pencher et regarder de très près afin qu'aucun détail ne vous échappe de cette légende du monde en miniature, de cette Bible de la vie quotidienne, peinte à la feuille d'or et à la poudre de gemmes.
 

Franz Schubert

Sonata in Sol maggiore D.894
Molto moderato e cantabile

« Less is more » diceva Mies van der Rohe. Forza creatrice di spazio, linee che aprono orizzonti infiniti ; la capacità di evocare spazi immaginari nella mente di chi guarda, grazie alla purezza e alla semplicità delle linee.
Ecco, io paragonerei il movimento iniziale della Sonata in Sol maggiore agli edifici di van der Rohe, e il suo motto mi sembra calzare perfettamente alla cornice formale di questo brano.
Ci si è chiesti in questo seminario se l’analisi dei brani apportasse qualcosa all’esecuzione. Sembra una domanda retorica eppure non lo è. Ci sono infatti dei casi in cui un’analisi tecnica e musicale, oltre che estetica, aiuta non solo l’esecutore ma l’ascoltatore ugualmente. Succede per molti brani di Brahms, nei quali il tessuto compositivo è così ricco che ad un primo ascolto si percepisce una minima parte di questa ricchezza.
Non è il caso di Mozart, a volte. In molte sonate per pianoforte, ad esempio, sapere che lo sviluppo si basa essenzialmente su materiale preso dalla codetta dell’esposizione, davvero non aggiunge nulla alla fruibilità della musica.
Nel caso di Schubert, e specialmente delle ultime composizioni (di cui questa però non fa propriamente parte), un’analisi tecnica, testuale ed estetica, che spazi e esplori tutti gli aspetti legati alla musica in modo più o meno diretto, è fondamentale.
È interessante notare come la forma, cioè la struttura forma-sonata, di questo movimento, sia assai semplice, quasi scontata. Prevede un’esposizione con due gruppi tematici contrastanti, il secondo dei quali alla dominante; uno sviluppo in cui il contrasto dei due temi si fa più aspro e da contrapposizione armonica e strutturale, si trasforma in contrapposizione psicologica fra due entità, due stati d’animo apertamente in contrasto e inconciliabili fra loro ; e infine una riesposizione, quasi identica all’esposizione, in cui l’aspra lotta dei due gruppi tematici nello sviluppo è risolta e torna alla normale calma, in cui anche il nero episodio in si minore dell’esposizione scompare, non trovando più posto nella serenità ricomposta della riesposizione. Una breve coda conclude il movimento.
Se dunque la struttura architettonica del movimento non suggerisce la complessità di questo; la sua ricchezza, la sua modernità saranno invece messe in rilievo da un’analisi estetica e psicologica del brano. Non si tratta di costruirci sopra una storiella. In questo brano più che la letteratura, il teatro, sono la pittura e la poesia, le arti che, per sinestesia, ci possono aiutare ad avvicinarci al suo contenuto.
Se proviamo a immaginarlo non come un primo movimento di sonata, ma come una fantasia, termine utilizzato dallo stesso editore, possiamo forse avvicinarci più facilmente alla sua essenza.
Come abbiamo visto però, dal punto di vista formale questo è propriamente un primo movimento di sonata, quasi da manuale, e il suo essere fantasia va inteso da un punto di vista estetico e concettuale, nella sua potenza evocatrice di immagini, naturali e psicologiche. Come un paesaggio con rovine, come un ritratto in giardino. Siamo infatti in pieno Romanticismo e la potenza evocatrice dell’arte gioca un ruolo fondamentale nella psicologia degli artisti dell’epoca.
Hatten, in un eccellente articolo pubblicato qualche anno fa da Ashgate, evoca il carattere pastorale di questo movimento e lo mette in relazione con la produzione poetica e pittorica dell’epoca. Spiega come il concetto di Pastorale sia cambiato in modo fondamentale in pochi anni, dal Classicismo al Romanticismo: non è più la capacità dell’artista d’osservare la Natura e il suo virtuosismo nel riprodurla fedelmente nell’opera d’arte che interessa il pubblico, ma piuttosto la sua capacità di mettere in relazione la Natura con l’animo umano. Ed è così, a mio avviso, che va letto questo movimento: come un’evocazione, solenne e al tempo stesso fragile, di un paesaggio naturale che si fa specchio dell’animo umano, riproducendone tutte le esitazioni, gli slanci, i ricordi, la speranza, le delusioni...
Pensate ai primi accordi del brano, nobili e maestosi come alberi secolari, smossi appena dal vento delle crome. Come il dubbio, tutto umano, si insinua d’un tratto in questo paesaggio sereno e come, in poche battute, il cielo s’annerisce e diventa desolato e tetro, sorta di pensiero nero che attraversa la mente, e come infine la grandezza dell’inizio si riprende, cresce maestosamente e lascia finalmente spazio all’evocazione della danza, introdotta dal secondo tema, che rappresenta, per contrasto alla solitudine fiera del primo tema, la socialità. Da un esterno ci siamo spostati in un interno. Questa danza cresce e diventa un turbine, un’ebbrezza dimentica di convenzioni che termina in una vertiginosa caduta che ci riporta bruscamente alla realtà. Il tema conclusivo è una sorta di riflessione a posteriori sull'esposizione, appena passata; una sorta di morale della favola, pronunciata troppo presto, cioè prima dell'irrompere dello sviluppo, così repentino, così inaspettato, violento e selvaggio. Il primo tema, placido e sereno, si ribella contro sé stesso e si allontana dal suo perno armonico fino a coprire distanze vertiginose, preso in un’opposizione col secondo tema che diventa contrapposizione psicologica di stati d’animo contrastanti. La riesposizione riporta la calma dopo la tempesta violentissima dello sviluppo.
Un equilibrio perfetto regge adesso tutti gli elementi del quadro. L’inquietudine fugata, il dubbio represso. L’inquadratura finale rievoca il paesaggio maestoso dell’inizio. Al tramonto.